Journal – 1er Février 2019

Il semble que durant les derniers mois, j’ai passé davantage de temps à réfléchir et à penser plutôt qu’à écrire sur les expériences que je vis. Parfois quand c’est non-stop, je reste tranquillement assis, j’écoute, et je fais attention. Parce que l’Univers m’envoie des conseils et des signes expliquant pourquoi telle ou telle chose s’est produite. Et je fais de mon mieux pour apprendre ce qu’il a à m’enseigner. La plupart du temps, ce n’est pas facile à vivre, mais c’est profitable, si on parvient à ne pas répéter l’erreur.

Je songeais à un thème qui m’inspirerait un essai ; la première chose que j’ai faite ce matin, c’est de m’asseoir et de coucher tout ça sur le papier. Ça m’a fait du bien d’écrire mes impressions et mes idées. Et de toute façon, le temps continue de s’écouler, la vie continue. Quand nous aurons tous quitté ce monde, et que les hauts et les bas que nous aurons connus seront passés par le diaphragme du sablier, la vie continuera. Donc, ma petite vie est quelque chose que je peux gérer et peut-être que je peux changer quelque chose.

Je vais bien, je me sens fort et prêt à profiter à fond de ce qui m’arrive. Je crois que de bonnes choses vont arriver et qu’il faut juste que je sois au bon endroit au bon moment. C’est mon objectif, et rien ni personne ne pourra m’empêcher de l’atteindre. Et c’est réconfortant. Ça fait du bien et ça semble être ce que je dois faire.

Mercredi 6 Février 2019

Ce matin je me suis réveillé avec un grand projet ! Moi et mon voisin « Big G » sommes allés en « promenade » pour prendre notre indispensable bol d’air frais. Nous étions les premiers dehors, à 6 heures du matin. C’était bon, il faisait frais, c’était fantastique ! Nous avons ri et nous avons bavardé au sujet de l’absurdité de la vie dans le couloir de la mort, et purée, je me sentais vraiment bien, j’avais en tête toute une liste de choses à faire, j’avais le vent en poupe… C’est ce que je pensais. Nous sommes rentrés en cellule, j’ai commencé à nettoyer et à faire mon ménage et j’ai été surpris qu’on nous conduise à la douche. Donc de retour à ma cellule, j’ai terminé mes corvées de nettoyage et de lessive quand le mec de la salle de séjour a annoncé : « Attention bloc F secteur C, rassemblez vos affaires ! Vous êtes tous transférés ! » Zut ! Donc on se lance dans un débordement d’activités et des projets passent à la trappe parce qu’un transfert, cela n’a rien de facultatif. On y va. De gré ou de force, mais on y va. Tout de suite j’ai commencé à rassembler mes affaires et tout était prêt en une demi-heure. 4 heures plus tard, ils sont arrivés et ont commencé à transférer les 14 gars du secteur. Nous avons été transférés du secteur F du bloc C au secteur F du bloc B. C’est là qu’avait commencé ces transferts sans queue ni tête il y a un an. Je me suis donc retrouvé dans une nouvelle cellule et j’ai dû la nettoyer pour recréer mon univers, puis tout remettre en place. Maintenant que j’ai fait ça, même si je suis fatigué, je ne suis pas fâché d’avoir déménagé. Ça fait partie de la vie en prison, et en plus, nous sommes dans un bien meilleur coin !

Vendredi 8 Février 2019

Je me suis levé tôt ce matin pour tout nettoyer une fois de plus, et dans ce nouvel endroit je me sens enfin davantage chez moi. J’ai passé la matinée à bavarder avec « PG » alors qu’il se trouvait dans la salle commune. On rigolait de mon ami et voisin « Big G ». Je m’étais « proposé » (selon lui) pour nous préparer des enchiladas aujourd’hui et tandis que nous nous moquions de Big G, encore endormi, j’ai dit: « Oh, oh, j’ai confié à Big G que j’allais nous préparer un festin, mais il dort encore! Sa lampe est éteinte. Je suppose donc qu’il n’a pas faim ! Ha ! » PG et moi avons ri et PG a dit: «Il t’a entendu, il sera debout dans une minute». Et en effet, au bout d’un quart d’heure environ, j’ai jeté un coup d’oeil vers sa cellule et sa lampe était allumée ! Donc je l’appelle : « Big G, t’es réveillé ? » Il a tout de suite répondu avec sa voix de basse : « Ouais, et j’ai faim aussi ! » Heh heh ! Nous avons tous éclaté de rire. Il nous avait entendus. Donc je nous ai préparé ce festin, j’ai envoyé sa part à Big G, et pour aujourd’hui, nous n’avons pas à avaler ce que l’état du Texas veut nous faire bouffer. Non, aujourd’hui, nous mangeons comme des rois.

Je suis dans un bon secteur, entouré de plusieurs gars avec lesquels je m’entends bien, et Big G est l’un de mes meilleurs amis. Nos cellules sont propres et la réception de la radio est très bonne dans cet endroit. Quand on a que la radio pour rester connecté au monde extérieur, c’est vraiment important. Maintenant, si je pouvais rester ici 6 mois ou 1 an, ce serait parfait.

Dimanche 10 Février 2019.

C’est le soir ici, je suis fatigué mais je suis heureux de ce que j’ai pu faire. Beaucoup d’écriture, y compris cette page de journal. Je suis tout excité d’avoir eu l’idée de faire publier « Je vous écris depuis le couloir de la mort » en anglais. C’est comme si je m’étais souvenu avoir eu cette envie après un long moment. Toute la semaine, il a fait frais dans ce coin du Texas et c’était agréable de ne pas transpirer, avec le ventilateur qui tourne… Nous sommes en hiver, parait-il. Chaque fois que j’y pense, je songe au gouvernement actuel à Washington – la maison blanche ne croit pas au réchauffement climatique.

Demain, c’est jour de promenade à l’extérieur. Je suis prêt à sortir de cette cellule et à prendre l’air. Je suis resté cloîtré tout le weekend dans cette petite cage et j’ai besoin de sortir. Je suis toujours intrigué par le fait qu’on se sente mieux de passer d’une petite cage à une autre, plus grande. On se sent mieux sur l’aire de promenade, d’une certaine manière.

Je n’ai pas de nouvelles de ma maman et je ne sais pas non plus quand il lui sera possible de sortir de convalescence pour rentrer à la maison. J’aimerais qu’il en soit autrement. Alors, je me concentre sur ce que je peux contrôler : comment je peux changer les choses concernant ma situation. Parce que rien ne m’empêchera d’atteindre mon objectif. Parce que je suis encore plus déterminé et tenace que jamais dans cette lutte. Et ça fait du bien de prononcer ces paroles, de me sentir ainsi, et de mener ce combat au cours de ce voyage incroyable qu’est la vie.