Journal de bord – 26-30 mars 2020

Journal de bord du 26 au 30 mars 2020.

Jeudi 26 mars

Chanson : « What I love about Sunday » par Craig Morgan

https://www.youtube.com/watch?v=JYBg5yx325c

J’ai du aller chez le docteur

J’ai du aller chez le docteur, à cause de la douleur que ce monde m’infligeait. Je n’en croyais pas mes yeux quand je suis arrivé là-bas : j’ai trouvé mon prof. Avant que je ne parte il m’a demandé : « prêt pour quelques petits devoirs à la maison ? »

J’ai répondu : « D’accord. »

« Eh bien, essaie de remercier toutes les personnes qui t’ont fait du tort. Ils t’ont aidé à venir à moi. »

Kabir.

J’ai lu ce poème pour la première fois dans la newsletter de Bo Lozoff, il y a environ 20 ans et ça m’a coupé le souffle. C’était la première fois que j’étais capable de voir qu’il y avait une raison aux souffrances que j’éprouvais, et qu’elles avaient un sens. Quelle est la peine que le monde vous a faite ou qu’il vous cause ?  Je ne peux pas croire que vous n’en ressentiez aucune, alors qu’un quart de la population mondiale est en confinement en ce moment. Le coronavirus met le monde à feu et à sang, tandis que nous sommes assis, moi ici, vous là-bas, et j’insiste, il y a un sens à ce que nous vivons.

 

Samedi 28 mars 2020

Chanson : « Chickenfried » par Zac Brown Band

https://www.youtube.com/watch?v=re91PZpPYGY

C’est le soir ici, j’écoute le « Country Gold Show » présenté par Rowdy Yates en buvant du café. Il fait frais, il a plu par intermittence aujourd’hui, et j’en suis heureux. La « promenade » est passée, et le calme s’est fait pour le reste de la nuit. Quand on vit dans une maison de fous avec un vacarme perpétuel, le silence est un bonheur absolu. Aujourd’hui, c’est le premier jour du confinement imposé dans le comté de Polk au Texas, où se trouve Livingston. Ils ont dit que ça durerait deux semaines, mais je crois que ce sera prolongé. Je crois que dans deux semaines le feu du Covid19 va faire rage aux États-Unis et que la distanciation sociale deviendra obligatoire.

En attendant, c’est la routine habituelle à l’unité Polunsky et dans le couloir de la mort. C’est révélateur. Personne n’est malade pour le moment. D’ordinaire, la moitié de ces salauds de gardiens sont malades, ils ont le rhume ou la grippe, mais aucun d’eux ne l’est ! Aucun des prisonniers non plus dans le secteur où je suis. Comme s’il y avait une volonté de maintenir la prison en fonctionnement normal. J’espère qu’il ne pénétrera pas, mais que se passera-t-il si quelqu’un est testé positif au coronavirus ? On verra bien. En attendant que cela arrive, nous vivons notre vie de tous les jours, tandis qu’ailleurs, en d’autres lieus, la vie devient plus difficile pour d’autres. Pendant ce temps, concentrons-nous sur chaque pas, marchons, marchons, aussi bien que nous pouvons, à travers les flammes.

 

Dimanche 29 mars 2020

Chanson : « Long haired country boy » par Charlie Daniel’s band

https://www.youtube.com/watch?v=mkH79huZkd0

Avec ce langage de lune

Reconnaissez ceci : A chaque personne que nous rencontrons, nous disons « Aime-moi ». Bien entendu, nous ne le lui disons pas à haute voix, sinon, quelqu’un appellerait les flics. Et pourtant, songez à cette puissante pulsion de se lier, de se comprendre. Pourquoi ne pas vivre avec, dans chaque œil, cette pleine lune qui toujours dit, avec ce langage si délicat, ce que tout autre œil languit si ardemment d’entendre ?

Hafez (Poète mystique Soufi)

Hafez est un poète, philosophe et un mystique persan né vers 13251 à Chiraz (Iran) et mort à l’âge de 64 ans, probablement en 1389 ou 1390. Il serait le fils d’un certain Baha-ud-Din. Hafez est un mot arabe, signifiant littéralement « gardien », qui sert à désigner les personnes ayant « gardé », c’est-à-dire appris par cœur, l’intégralité du Coran.

Il est surtout connu pour ses poèmes lyriques, les ghazals, qui évoquent des thèmes mystiques du soufisme en mettant en scène les plaisirs de la vie.

Son mausolée est au milieu d’un jardin persan à Chiraz et attire encore aujourd’hui de nombreuses personnes, pèlerins ou simples amoureux de poésie, venues lui rendre hommage.

 

Avez-vous remarqué que dans les périodes difficiles, comme celle que nous vivons aujourd’hui, on a le désir d’être entouré de ceux que nous aimons ? Ou bien on a le désir ardent de tendre la main à quelqu’un avec qui nous nous sommes fâchés ? Comment des questions vitales nous amènent à considérer comme insignifiantes et mesquines nos disputes ? Comme la vie est fragile, et le temps précieux ? Nous avons besoin de communiquer avec ce langage de lune. La vie est précieuse, merveilleuse, et douloureuse, et difficile, et étonnante, tout à la fois.

 

 

Lundi 30 mars 2020

Chanson : « Imagine » de John Lennon

https://www.youtube.com/watch?v=YkgkThdzX-8

J’ai écrit toute la journée aujourd’hui, et j’ai nourri mon âme de programmes radio intéressants et de textes spirituels enrichissants. Je me sens bien, parce que je suis parvenu à écrire un autre essai et j’espère qu’il aidera quelqu’un à ne pas se décourager durant ce temps si difficile. Il est pour moi difficile de décider quand il faut s’arrêter d’écrire sur les moments les plus marquants de nos vies, nous les vivons tous en même temps.  Je m’occupe à une activité quelconque, et durant un temps, je me détourne de ce qui nous préoccupe, puis il y a le bulletin d’information, et je m’y replonge. Je crois que j’ai besoin de resté informé, mais je ne veux pas bassiner les autres qui tentent d’oublier cette folie.

Je suis très heureux  que le système d’air frais soit remis en marche. Je ne vais pas cuire dans ma cellule et vraiment, je suis au frais.  C’est le début de la matinée et je suis en train de terminer ce texte, en songeant à la chanson « Imagine ». C’est l’une de mes chansons préférées, et il est une chose étonnante, c’est que nous voyons le monde s’accorder, tout comme John Lennon l’avait imaginé il y a si longtemps. À cet égard, la vie est merveilleuse.