Nouvelles du couloir de la mort du Texas, 24 Janvier 2020

NOUVELLES DU COULOIR DE LA MORT DU TEXAS, le 24 JANVIER 2020

“Tout au long de la vie, au fur et à mesure qu’on évolue, on se construit un personnage dont on revêt le masque face au monde. Ce personnage sert à nous protéger et nous sauve. Ce personnage devient aussi notre gagne-pain. Puis, un jour, on se réveille et on se rend compte qu’on n’a plus besoin de ce personnage; c’est alors qu’on doit volontairement s’en débarrasser, le laisser mourir. On a alors acquis suffisamment de sagesse grâce aux expériences de la vie ; on réalise que  ‘la personne que l’on est vraiment suffit’.”

-Will Smith

ROLES ET PERSONNAGES. Il y a quelques semaines, j’écoutais un matin à la radio une émission où était interviewé l’acteur Will Smith. Il y partageait la citation que je paraphrase ci-dessus. Lorsque je l’ai entendu nous confier ces paroles de pure sagesse, je savais que c’était là une vérité absolue et j’ai été impressionné de m’apercevoir à quel point ces pensées s’appliquaient à ma vie et, en réalité, à celle de la plupart des personnes que je connais. Je repense à mon enfance, à la façon dont j’ai été élevé. Je suis né et j’ai grandi au Texas, au sein d’une famille latino. Le fait d’être Texan constitue déjà tout un programme, sachant que les garçons y sont censés devenir des durs, ne jamais montrer aucune faiblesse, ne jamais pleurer ! Sois un dur à cuire ! Ajoutez mon héritage mexicano-américain à ce cocktail explosif à base de machisme que l’on inculque aux petits garçons, et vous aurez là le contexte malsain dans lequel j’ai grandi. Mes frères aînés aimaient se bagarrer avec moi et, ce faisant, m’apprendre à me battre, à ne pas me laisser faire; c’est comme ça qu’ils voulaient “m’endurcir”, et j’y ai rapidement pris goût. Arrivé à l’adolescence, j’excellais à jouer ce personnage de gros dur que j’avais créé, et qui, désormais aimait aussi faire la fête ; la drogue, l’alcool et un mode de communication qui passait trop souvent par la violence étaient mon quotidien. Une fois à l’âge adulte, personne ne pouvait me dire quoi que ce soit, pas même la police ! Ce facteur est l’un des éléments essentiels qui expliquent ma présence dans le couloir de la mort du Texas.

LA CHUTE. J’avais 29 ans quand je suis arrivé dans le couloir de la mort du Texas. A ce moment-là, ce personnage de dur à cuire m’a bien aidé. En fait, j’étais si doué pour jouer le rôle du gars qu’il vaut mieux ne pas chercher que j’en ai oublié qui j’étais vraiment pendant des années et des années. Parce qu’en prison et dans le couloir de la mort, toute cette question du respect/manque de respect occupe une place centrale et que là encore, malheureusement, j’excellais à ce genre de folie. Alors que je jouais mon rôle au sein de la communauté où j’étais incarcéré, dans le couloir de la mort du Texas, que je montrais à tout le monde que j’étais le type costaud et taiseux, ce genre de gars à qui il ne faut pas chercher de noises etc., je souffrais à l’intérieur. Je faisais le deuil de tout ce que j’avais perdu, j’avais mal, je pleurais au souvenir de ma vie d’avant et, faisant face à ce qui m’arrivait, je ne comprenais pas comment les choses avaient pu aller si loin, comment toute cette folie était arrivée… Je n’en avais vraiment aucune idée. “Peut-être que le but de l’existence n’est pas tant de devenir quoi que ce soit que de se défaire du costume, de laisser tomber le masque de ce personnage finalement assez  loin de ce que l’on est vraiment, pour que l’on puisse être celui que l’on était destiné être dès le départ.”– auteur inconnu

LA VALLEE. Vers 2010, j’ai commencé à me rendre compte que j’avais à tout prix besoin de trouver un moyen de me contrôler, de maîtriser mes pensées, mes actions, ma manière de vivre, parce que la manière que j’avais de « fonctionner » alors me causait trop de souffrance, de chagrin, de douleur. J’avais atteint le fond du fond, et savais que le choix qui se présentait était de comprendre ce qui se passait ou alors de périr ; or, je n’avais pas envie de mourir sourd, muet et aveugle. Comme le veut le vieil adage, à toute chose malheur est bon. Mon malheur avait pour nom souffrance, douleur, chagrin. C’est à coups de désespoir que les leçons les plus essentielles nous sont assenées, c’est ainsi que la vie m’a enseigné l’indispensable. J’ai commencé à apprendre les principaux outils qui permettent la résilience et me suis mis à les utiliser chaque jour. L’un de ces outils les plus importants et les plus efficaces, c’était la pratique spirituelle/la méditation, la prière et la visualisation. C’est là que j’ai trouvé tous les réponses que je recherchais. Tout ce qu’il me fallait faire, c’était d’aller au Royaume des Cieux et les trouver. Alors que j’entamais ce travail sur moi-même, je commençais à apprendre d’autres choses que la souffrance voulait bien m’enseigner, comme la gratitude ou le fait de vivre chaque jour en étant reconnaissant de tous les bonheurs, petits ou grands, semés sur son chemin. J’ai appris la sagesse, ce genre de chose qu’il est impossible d’apprendre dans les livres, des leçons que seul un endroit comme le couloir de la mort du Texas pouvait mettre dans le crâne d’un homme aussi têtu et obstiné que moi. Et j’ai appris l’humilité. J’ai appris que j’avais besoin des autres pour survivre et que dans certaines situations, je ne pouvais pas me sauver moi-même.

LA REMONTEE. Alors que j’ai continué à travailler sur moi, creux après creux, j’ai commencé à apprendre certaines choses sur la fierté et l’ego et à me rendre compte que ce personnage de dur à cuire, ce n’était pas vraiment moi.

Aujourd’hui, je suis la Conscience qui reconnaît que je ne suis pas ce personnage. C’était pour moi essentiel, parce qu’une fois que l’on s’est rendu compte de ce genre de chose, on n’est plus jamais le même. Même si l’on se laisse consciemment aller à faire des choses que ce personne que l’on s’est créé nous dicte, on sait pertinemment que cela ne nous correspond pas vraiment. Et si on est parfaitement honnête avec soi-même, un jour, en chemin, on en arrive au point où l’on sait que ce personnage n’est qu’un masque, et qu’en réalité, il nous empêche d’être pleinement nous-mêmes, de devenir la personne que l’on était destinée être: une âme bienveillante, sensible, pleine de compassion. Et de voir que ce Véritable Soi suffit; je suis moi et c’est suffisant.  Bien sûr, je peux toujours me protéger et, si besoin est, protéger mes proches, mais je ne suis plus piégé dans cette folie de vouloir communiquer par la violence. Et, en réalité, je m’emploie à chercher de nouveaux modes de communication et à apprendre à les appliquer. Je réalise que cette histoire de respect et d’affront n’est qu’une machine à alimenter l’ego qui n’entraîne que chagrin, douleur et peine. Ce genre de leçon de vie fondamentale ne peut s’apprendre que par l’expérience personnelle et, alors que je progresse, je continue de gagner en sagesse et je comprends qu’une fois encore, les revers qui jalonnent l’existence ont pour but de nous guider vers notre destination finale, vers le point d’arrivée qui nous était littéralement destiné ; je réalise que ce personnage qui m’a fait arriver ici a rempli sa fonction et qu’il est temps de tomber le masque. J’ai enfin atteint ce point de ma vie où je comprends qu’en toute chose, mon moi véritable suffit, et je suis désormais prêt à lâcher l’idée que je veux que les gens se fassent de moi. Voilà ce que m’a enseigné mon long isolement dans cette cellule du couloir de la mort. Ce sont là des leçons que je n’aurais sans doute pas pu apprendre ailleurs. Et maintenant que ces aspects se sont pour moi éclaircis, je suis reconnaissant de cette expérience. Parce que je suis plus proche que jamais de devenir la personne que j’étais destinée être dès le départ, maintenant que je me suis débarrassé de tout ce qui n’était pas véritablement moi. Et, maintenant que j’ai désappris ce vieux mode de fonctionnement, je peux me présenter tel que je suis vraiment au petit monde du couloir de la mort du Texas et au monde qui se trouve de l’autre côté de ces murs, sachant que ce que je suis suffit !

AMOUR PAIX ESPOIR & RIRES !

Charles D. Flores No: 999299

Couloir de la Mort du Texas

Le 24 janvier 2020