Nouvelles du couloir de la mort du Texas, 27 avril 2019

NOUVELLES DU COULOIR DE LA MORT DU TEXAS, 27 avril 2019

NOUVELLES DU COULOIR DE LA MORT DU TEXAS, le 27 AVRIL 2019.

“Accepter, puis agir. Quoique l’instant présent puisse contenir, acceptez-le comme si vous l’aviez choisi. Travaillez toujours avec ce contenu, pas contre lui. C’est toute votre vie qui en sera ainsi miraculeusement transformée.” ——Eckhart Tolle.

Le couloir de la mort du Texas est, dans le meilleur des cas, un asile d’aliénés, mais ici, dernièrement, les choses ont considérablement empiré. Il y a environ dix ans, les gardiens qui travaillaient dans le couloir de la mort étaient expérimentés et la plupart d’entre eux n’étaient pas paresseux et avaient à cœur de faire correctement leur travail. Ils savaient qu’ils avaient une charge de travail donnée à effectuer, à savoir proposer à chacun des 84 hommes de chaque unité d’aller en promenade, de se doucher une fois par jour, et de recevoir 3 repas par jour. Une fois tout ceci effectué, ils pouvaient s’asseoir et ne rien se préoccuper d’autre pour le restant de la journée. Ces jours-là sont bien révolus. Aujourd’hui, quelques uns des employés qui œuvrent ici trouvent délibérément le moyen de ne pas faire leur travail. Deux fois cette semaine, les gardiens qui travaillent en journée [1er poste] ont laissé à l’équipe de nuit plus de 20 promenades et plus de 60 douches à effectuer. Deux fois cette semaine nous n’avons pas été autorisés à prendre de douche ou à aller en promenade. La nuit dernière, c’était à peu près le même topo. J’ai attendu mon tour de 6 heures du matin à 13 heures, lorsque ces bouffons m’ont enfin proposé d’aller en promenade. Et je dois dire que je n’étais pas d’humeur joyeuse lorsque je suis enfin arrivé dans l’espace réservé aux promenades.

Mais parfois, la vie nous réserve de drôles de tours. Lorsque vous subissez une situation désagréable et que cette expérience vous semble n’avoir ni queue ni tête, l’Univers a une réponse pour y faire sens, il suffit de chercher. Le pourquoi du comment m’est apparu hier soir. Après avoir attendu toute la journée et toute la soirée, je me suis retrouvé dans la salle de promenade à 22 heures, alors que c’est l’heure à laquelle j’ai l’habitude de me coucher, mais j’étais bien décidé à profiter de mes deux heures à l’extérieur de cette cellule où je suis parqué depuis près de 21 ans maintenant. Après environ 30 minutes de promenade, un ami prénommé Will, que je connais depuis longtemps, me salue et nous entamons une conversation. Je lui demande ce qu’il a fait dernièrement, s’il a réalisé des dessins… Les œuvres de mon ami sont pour moi souvent sources d’inspiration et parfois, ses projets me donnent de nouvelles idées de peintures et de créations artistiques.

Il me répond qu’il n’a pas peint ces derniers temps, que sa correspondance avec les nombreux amis avec lesquels il est en contact l’a beaucoup occupé. J’en connais un rayon dans ce domaine et sais combien de temps l’écriture de courriers peut occuper dans une journée. Puis, nous commençons à parler du couloir, de la façon dont les choses empirent, et c’est alors qu’il formule une pensée très profonde. Il me dit : ”Tu sais, on peut choisir de ne voir que ce qui cloche ici, de ne penser qu’à l’horreur de la situation, à quel point on est malheureux, tout ça, ou bien, on peut choisir de se concentrer sur le positif, sur l’amitié, la paix, la joie, le bonheur.” Sa réponse était assez géniale, et j’en ai même souri, tellement ses mots sonnaient juste.

Cet infâme trou à rat rétrécit votre monde à la taille d’une pièce de 5,5 mètres carrés, soit la dimension de la cellule où l’on est confiné, à l’isolement, et si vous n’y prenez pas gare, votre vie n’est guère exaltante ni très positive. Parce que lorsque vous laissez ces diables avoir un tel impact sur vous, vous ne voyez pas au-delà de votre environnement : la peine de mort qui pèse sur vous et cette torture qu’ils vous infligent des années durant, parfois des décennies, avant qu’ils ne vous ôtent la vie. Et quand ce mode de pensée s’enclenche, c’est pour vous l’enfer sur terre. Mais voilà ce qu’il en est et ça s’applique à tout un chacun, que l’on soit dans le monde libre ou dans le couloir de la mort du Texas – on peut accepter la situation où l’on se trouve maintenant et en tirer parti, on peut se servir de cette cellule, de ce temps, de cette solitude pour faire un travail sur soi-même et explorer nos problèmes et ainsi se servir de notre peine pour redresser notre parcours de vie. Ou bien alors, on peut gaspiller ce temps précieux qui jamais ne reviendra et rester assis là à ruminer, à faire retomber nos problèmes et notre souffrance sur tout le monde, sur tout et n’importe quoi. Ceci constitue une vérité absolue dans cet univers, et il nous revient de décider de ce que l’on fait de cette situation. Parce que, l’on ne peut sans doute pas maîtriser ce qui nous arrive dans la vie, mais on contrôle à 100% la façon dont on y réagit.

Lorsque mon ami m’a répondu cela, je lui ai demandé comment il en était arrivé à cette conclusion. Etait-ce à cause de l’évolution de sa  situation et du fait que l’horloge tourne pour chacun des gars du couloir de la mort du Texas, sachant que ces diables font tout pour nous rapprocher toujours et encore de notre exécution/meurtre légal programmé ? Il a répondu que dans son cas, c’est son parcours de vie qui lui avait enseigné cette leçon, et que la sagesse qui en découlait lui était venue avec l’âge en général.

Personnellement, je sais que l’expérience comme la maturité vous forgent. Ayant eu une date d’exécution et en ayant réchappé à 5 jours près, avant que ces diables ne me mettent à mort, je sais que cette situation « cocotte-minute » m’a appris quelques leçons comme aucune autre. Et l’âge aidant, j’ai pu apprendre de nombreuses leçons essentielles que la vie devait m’enseigner. Parce que la mer de souffrances est infinie, mais que si nous faisons avec cet état de fait – et je choisis de faire demi-tour et de me mettre à nager vers le rivage, là où résident la paix, la joie, et  l’éveil spirituel – alors, nous pouvons faire la différence. Si nous y parvenons, nous pouvons faire évoluer notre vie pour le mieux et modifier le monde où nous vivons. Je le sais, là encore, de par mon expérience personnelle, et je me sens infiniment reconnaissant. J’ai eu mes deux heures de promenade et suis retourné à ma cellule bien après minuit. Les gardiens m’ont dit “qu’ils [à savoir les cadres qui dirigent cet endroit] ne permettraient à aucun d’entre nous de se doucher – 60 gars de l’unité se sont vus privés de leur droit de faire leur toilette ce jour-là. Mais je me suis contenté de sourire, car je savais que l’Univers s’était servi de cette situation désagréable pour me rappeler une leçon que je connaissais bien. Alors, après m’être recentré et avoir retrouvé mon équilibre, j’étais de nouveau en paix, j’avais le cœur en joie et, pas de soucis, je prendrais une douche dès le réveil, soit dans quelques heures seulement, ce n’était pas grave. On n’arrête jamais d’apprendre !

AMOUR ESPOIR PAIX ET RIRES !

Charles D. Flores #999299

Couloir de la mort du Texas

Le 27 avril 2019.