« Tirer parti de toute situation… »

NOUVELLES DU COULOIR DE LA MORT                  5 mai 2018.

« TIRER PARTI DE TOUTE SITUATION… »

« On demanda à un mystique nommé Al Ghazali : ‘qu’avez-vous appris de votre parcours spirituel ? Sa réponse fut : ‘J’ai appris deux choses, d’abord, que le temps est comme une épée, si on ne le découpe pas, c’est lui qui vous découpera en morceaux. La deuxième chose, c’est que si vous ne décidez pas d’œuvrer pour le bien, le mal absorbera toutes vos pensées’ » Auteur inconnu

Cela fait maintenant 17 jours que le couloir de la mort du Texas est en mode confinement et d’après la façon dont se présentent les choses, ce confinement durera au moins 3 semaines, peut-être plus. Ce genre de confinement 24 heures sur 24 dans une cellule de 5,5 m2 atteint les âmes qui sont contraintes de s’y soumettre. Une chose est sûre, tout ce temps passé en cellule vous donne amplement le loisir de cogiter et de réfléchir à la vie en général. Et que l’on se trouve dans le couloir de la mort du Texas ou en France, à Paris, la vie est ce que l’on en fait. Si vous vous autorisez à ne voir que le négatif, que vous ne cherchez pas activement ce qui vous aidera à traverser ce type d’épreuve et que vous ne faites pas ce qu’il faut, alors, les choses seront très difficiles pour vous. Par contre, si vous êtes à l’écoute des leçons que la vie a à cœur de vous enseigner et que vous acceptez la situation telle qu’elle est et que vous faites avec ce que vous avez le mieux possible, alors, vous pourrez voir le verre à moitié plein. Et si vous parvenez à maintenir cet état d’esprit, ce chemin que vous parcourez sera bien plus productif, satisfaisant et vous réservera moins de mauvaises surprises.

Il est une chose dont j’ai pris conscience et que j’accepte comme une vérité absolue dans la vie, c’est que nous traversons tous les épreuves que nous subissons pour arriver à une destination préétablie. C’est surtout vrai pour les personnes soumises à des situations extrêmes, comme vivre dans le couloir de la mort du Texas. Parce que tout revient à ça – maintenant que vous êtes là, qu’allez-vous faire de votre vie ?

Je repense à l’époque où j’avais une vingtaine d’années. Comme le disait mon père, je n’étais pas la même personne ! J’étais une vraie tête de pioche, et parce que j’avais des frères plus âgés qui me provoquaient pour que je me batte (tout ça pour faire de moi un dur à cuire !), je n’avais pas peur de la confrontation physique. Il ne faut pas oublier non plus que je n’ai rien d’un gringalet, ce qui fait que personne ne pouvait me dire quoi que ce soit ni me forcer à l’écouter. Je n’en suis pas fier aujourd’hui. C’est tout simplement le jeune homme que j’étais. Alors, être envoyé dans le couloir de la mort du Texas a été un choc, c’est le moins qu’on puisse dire. Pour la toute première fois de ma vie, je me retrouvais dans une situation où je ne pouvais pas faire usage de la force physique pour régler mes problèmes. Non, au lieu de ça, la vie m’avait forcé à me poser et bénéficiait de toute mon attention. Alors, qu’allais-je faire à présent ?

Je me souviens du moment où j’ai commencé à ouvrir les yeux, où je me suis rendu compte que j’étais quelqu’un que l’on pouvait facilement blesser par la parole, ce qui déclenchait chez moi des accès de violence. C’était une terrible habitude qui me venait de mon enfance. J’ai également commencé à comprendre que je ne détenais pas les réponses, que je n’y arriverais pas seul, que j’avais besoin d’aide. Cette aide, j’allais la rencontrer de toutes sortes de façons, grâce à des amis qui allaient m’apprendre comment faire face grâce à la correspondance, grâce aux livres et même grâce aux paroles de sagesse, comme celle que je partage plus haut.

La première fois que j’ai lu la citation que je vous livre aujourd’hui, j’ai senti un déclic. C’était comme s’il me manquait cette vérité et cette sagesse, et que maintenant que je disposais de cette directive, il fallait que je fasse du mieux possible pour vivre ma vie selon cette maxime. Parce que je me trouve dans une situation où le temps est sans doute la chose la plus difficile à maîtriser. Le temps vous broie alors qu’il s’écoule si lentement ; il ne vous laisse que trop l’occasion de penser et de repenser à tout ce que vous avez perdu, et quand vous êtes enfermé, c’est tout ce à quoi vous pensez, jusqu’à ce que vous vous rendiez compte que si vous continuez, vous allez devenir fou.

Ou bien alors, le temps passe à une vitesse supersonique, les années défilent comme des mois et avant que vous ayez pu vous en rendre compte, tous vos recours ont été épuisés, et ces démons sont en train de vous fixer une date d’exécution pour vous faire disparaître du monde des vivants. C’est le genre de chose qui aura raison de votre santé mentale si vous n’apprenez pas comment vous contrôler et ce faisant, comment contrer cette capacité qu’a le temps à vous couper en deux.

Me mettre à œuvre pour le bien est l’une des meilleures décisions que j’ai pu prendre de toute ma vie. Lorsque c’est le bien qui vous motive, vous attirez naturellement de l’énergie positive dans votre vie. Vous vous guérissez vous-même car l’une des meilleures façons d’aller mieux quand vous êtes blessé et que vous souffrez, c’est de trouver un moyen d’aider les autres. Sans compter que vous ne laissez pas non plus l’occasion au mal de vous consumer.

Je suis infiniment reconnaissant d’avoir pu apprendre ces leçons et de les mettre en pratique dans ma vie et ainsi de trouver le moyen de surmonter ce passage dans le couloir de la mort du Texas et de continuer d’apprendre et de devenir une personne davantage bienveillante.

Après une semaine de confinement dans ma cellule, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, j’ai commencé à remarquer qu’une certaine forme de léthargie tentait de s’installer. J’ai commencé à me sentir apathique, sans énergie, somnolent. Dès que ce phénomène a commencé, j’ai su ce qui se passait. C’était les premiers signes de la « dépression clinique », du fait de mon confinement dans une cage pendant une, deux, et même trois semaines d’affilée. Et j’ai dû faire ce que j’ai pu pour combattre cet état d’esprit délétère. Depuis que je m’en suis rendu compte, je fais de l’exercice physique dans ma cellule pendant au moins 30 minutes chaque jour. Je lis aussi des livres sur la spiritualité/le développement personnel et poursuis ma pratique spirituelle scrupuleusement. La prière et la méditation, c’est pour moi ce qu’il y a de mieux. Je ne crois pas que je pourrais supporter le couloir comme je le fais sans cette pratique spirituelle qui m’aide à garder mon équilibre et à rester maître de moi-même.

Depuis que nous sommes confinés dans des cages comme des animaux sauvages depuis près de 3 semaines maintenant, les stocks de nourriture que la plupart des gars avaient achetés à la cantine sont pratiquement épuisés. Les temps commencent à être durs pour certains des gars qui ne se sont pas préparés au confinement. Grâce à Dieu, pour moi, ça va ; j’ai ce dont j’ai besoin pour survivre. Je dis souvent à mes amis que je suis du genre à prévoir les choses « au cas où », du coup, cela fait plus d’un mois que je me prépare au confinement.

L’un de mes voisins n’était pas tout à fait prêt lorsque le confinement a commencé, cela m’a permis de me montrer généreux et de partager un peu de mes « réserves » avec lui. Nourriture, café, quelques timbres… Bref, ce que les gars du couloir considèrent comme indispensable. Je sais ce que c’est que de devoir faire sans ce dont on a besoin, alors, j’essaie d’aider les autres tant que je le peux, et d’œuvrer ainsi pour le bien. Cela me fait du bien aussi de donner un coup de main à quelqu’un d’autre, c’est une vérité que j’ai apprise il y a longtemps.

Je me souviens que quand j’étais un homme libre, j’étais le genre de gars qui s’arrête pour dépanner un automobiliste immobilisé sur le bas côté. J’avais toujours une chaîne pour le remorquage, une boîte à outils, un cric hydraulique pour soulever un véhicule dont l‘un des pneus était à plat, ainsi que des câbles volants. Alors, s’il nous était impossible de redémarrer le véhicule, on pouvait au moins le déplacer vers un endroit moins dangereux. Cela me faisait toujours plaisir d’aider des gens que je ne connaissais même pas. Et laissez-moi vous dire : on récolte ce que l’on sème. Chaque fois que je me suis retrouvé coincé sur le bord de la route, il ne me fallait pas attendre plus de 5 minutes avant que quelqu’un ne s’arrête pour voir s’il pouvait m’aider.

C’est la même chose ici, dans le couloir de la mort du Texas. Je fais ce que je peux pour aider les autres autour de moi et chaque fois que je me retrouve dans le bloc F ou que je subis des restrictions de cantinage, mes amis se démènent toujours pour m’aider et veiller à ce que j’aie ce qu’il me faut. La vie m’a appris que lorsqu’on aide les autres, c’est comme si l’on faisait des dépôts dans la banque de l’Univers, si bien que lorsqu’on a besoin d’aide, si l’on s’est efforcé de faire des dépôts sous la forme de bonnes actions etc., alors, au moment où l’on aura besoin d’aide, une main vous sera toujours tendue. Sans compter que savoir que d’autres se soucient de votre sort aide à se sentir bien.

C’est comme cela que l’on parvient à s’en sortir face à des situations comme le confinement. On fait attention les uns aux autres et on partage ce que l’on a, sachant que si l’on prend le temps d’agir pour le bien et de s’aider les uns les autres pendant les bons moments comme les mauvais dans le couloir de la mort du Texas, on ne peut pas se tromper.

Charles D. Flores N° 999299

Couloir de la mort du Texas

Le 5 mai 2018.