Nouvelles du couloir de la mort du Texas, 26 Mai 2019

NOUVELLES DU COULOIR DE LA MORT DU TEXAS – le 26 MAI 2019.

“Nous ne sommes pas tous appelés à devenir des ermites, cependant nous avons tous besoin de suffisamment de silence et de solitude dans notre vie pour que notre voix intérieure puisse se faire entendre au fond du fond, au moins de temps en temps.”—-Thomas Merton.

C’est de nouveau l’été dans le sud-est du Texas, là où se trouve l’Unité Polunsky qui abrite le couloir de la mort du Texas. Cette année, j’ai commencé mon programme d’exercice physique le 1er mai. Ce qui veut dire que depuis un mois maintenant, je fais 45 minutes d’entraînement dans ma cellule. A présent, mon corps s’est habitué à ces efforts et je me sens vraiment très bien. J’ai l’esprit de compétition, or il se trouve que les gars du couloir de la mort du Texas ont leur propre version du basketball, et mon rituel d’activité physique s’y intègre. Je me muscle quotidiennement pour pouvoir courir plus vite et plus longtemps. J’ai remarqué qu’alors que je prends de l’âge, mon corps a besoin d’un peu d’exercice. Si je ne fais rien,  j’ai mal au dos, aux jambes, aux genoux, etc. Mais dès que je bouge, c’est comme un remède miracle,  toutes mes douleurs disparaissent ! Alors, pour la toute première fois de ma vie, j’apprécie cet exercice physique que je pratique avec plaisir chaque jour. J’effectue ces mouvements en me concentrant sur ma respiration: j’inspire et j’expire par le nez et au bout de mes 45 minutes d’entraînement effectué en prenant des inspirations profondes par les narines, je parviens à un niveau de conscience différent. Lorsque je me rassoie ensuite pour reprendre mon souffle, mon corps est chaud et mes articulations souples et je me sens divinement bien. Ayant atteint un état de super conscience par ces inspirations nasales en profondeur, dès le moment où je ferme les yeux et où je démarre ma séance de méditation, je suis immédiatement transporté. Alors, pendant les 15 à  20 minutes qui suivent, parfois jusqu’à 40 à 45 minutes (selon les distractions extérieures) je descends en moi et pendant ces précieux instants, je ressens une pure félicité. J’ai appris il y a longtemps que mes meilleures pensées et idées me venaient en séance de méditation – ce que j’appelle mes « exercices spirituels ». Souvent, les réponses aux problèmes que j’ai par ailleurs me viennent soudain et tout s’éclaircit sur ce point précis. Ou bien alors, s’il m’arrive de bouillir intérieurement ou d’être extrêmement contrarié et que je pratique mes exercices et ma méditation,  c’est comme si je versais de l’eau sur les flammes de la colère et sur mon ego, tandis qu’il tente de fabriquer une raison absurde qui expliquerait pourquoi le monde devrait se conformer à mes désirs. Avec mes exercices spirituels est aussi apparue une conscience qui m’a récemment aidé à me rendre compte de la nécessité de prendre soin de moi. Enfant, puis, alors que j’entrais dans l’âge adulte, on m’a appris que les hommes étaient censés être des durs à cuire, ne montrer aucune émotion et n’avouer aucune souffrance quand les choses tournent mal et que ce qui fait leur vie vole en éclats, bref qu’un homme était fort et ne se plaignait jamais. J’ai été ce genre de personne presque toute ma vie, et cette attitude m’a causé une douleur, une souffrance et un chagrin sur lesquels je ne me suis jamais épanché. Ce qui est fou dans cette histoire, c’est que, quand on ignore toute alternative, on souffre en silence, parce que c’est ce que font les types costauds, les durs à cuire. Comme beaucoup d’entre vous le savent, mon problème, c’est souvent la colère – et la cause profonde de la colère, c’est la peur. Il y a peu, je me suis rendu compte que si je parvenais à parler de ma colère, de mes peurs avec une personne que je connais et en qui j’ai confiance, cela m’aidait vraiment. C’est comme percer une poche de pus et laisser s’écouler le poison hors de la plaie. Je me suis enfin rendu compte que même les gros durs du couloir de la mort du Texas étaient vulnérables et que je devais m’efforcer d’exposer cette vulnérabilité à une personne en qui j’ai confiance, à quelqu’un que j’aime, m’autorisant par là-même à profiter d’un moyen de me soulager. Lorsque je reconnais le fait qu’il m’arrive d’être faible et que j’ai besoin d’aide, c’est une libération, c’est un soulagement et ça fait tellement de bien. Ce qui se passe, c’est que dans ma vie, je suis celui qui est fort, celui qui aide les autres autant que possible, celui qui apporte de l’affection, du soutien à un maximum de personnes. Seulement, avec ce que j’ai vécu au cours des 8 derniers mois de ma vie, j’apprécie le fait de poser ce que je porte sur le dos quelques instants et de me reposer. Je suis toujours le même gars, celui qui a la puissance de 10 ours à la fois, mais que c’est bon de poser mon lourd fardeau et de faire une pause ! Ce qui m’amène à la citation du début, je suis loin d’être un moine ou un ermite mais je vis dans un univers délirant où de jeunes hommes en parfaite santé sont emmenés pour être assassinés bien trop souvent. Parce que ces horreurs existent dans ce camp de la mort, il est essentiel que je prenne le temps de faire le silence en moi, dans la solitude, pour entendre la voix de mon être profond, alors que mon âme revient, après avoir fusionné avec Tout ce qui est, l’Etre Suprême que beaucoup nomment Dieu. C’est le seul moyen dont je dispose pour garder mon équilibre et ne pas perdre pied. Ça et un peu d’exercice. Sans oublier l’amour et le soutien des amis les plus merveilleux et bienveillants que quiconque puisse espérer. La vie est ce que l’on en fait et grâce à la main tendue de ceux que j’aime et qui m’aiment, je suis bien décidé de profiter à fond de la mienne !

AMOUR, PAIX, ESPOIR, ET RIRES AUSSI !!

Charles D. Flores